Introduction
La communication financière des émetteurs est un élément clé de la transparence du marché et constitue une condition essentielle de la confiance des investisseurs, de la crédibilité et de la qualité d’une place financière dans son ensemble. Le cadre de la communication financière – et désormais extra-financière – évolue chaque année et la réglementation européenne et nationale est marquée par une grande hétérogénéité : des règles très précises encadrent en effet certains aspects quand d’autres aspects sont régis par l’application de grands principes appréciés sous la responsabilité de l’émetteur.
Trois partenaires complémentaires : le cabinet d’avocats Bredin Prat, spécialiste entre autres des questions de droit boursier ; le Cliff, l’association française des professionnels de la communication financière ; et PwC, cabinet de conseil, d’audit et d’expertise juridique et fiscale.
L’idée générale ayant présidé à l’élaboration de ce guide, édité pour la première fois en 2008 et actualisé chaque année, est de définir le niveau d’information qui peut être raisonnablement communiqué au marché pour répondre à ses attentes, en tentant de limiter l’exposition de l’émetteur au risque de voir sa responsabilité et celle de ses dirigeants mises en jeu. Le guide ambitionne de répondre de façon pertinente et concrète aux interrogations de tous ses utilisateurs au quotidien en leur fournissant les réponses essentielles.
Ce guide présente les grands principes et la réglementation dans le cadre desquels s’inscrit la communication financière, et répertorie l’évolution des pratiques, dans le sillage de cette réglementation et face aux exigences croissantes des marchés financiers et, plus généralement, des parties prenantes.
Ce guide a été conçu comme un outil didactique à destination des divers intervenants de la communication financière, dirigeants, responsables des relations avec les investisseurs chez les émetteurs, mais aussi tous les acteurs et intervenants des marchés financiers. Il vise à les aider à prendre, en toute connaissance de cause, les décisions qui s’imposent en matière de communication financière. Ses évolutions au cours des années ont intégré l’élargissement des responsabilités et l’évolution des fonctions au sein des équipes dédiées chez les émetteurs.
Le mot de...
Marie-Anne Barbat-Layani,
Depuis plusieurs années déjà le guide « Cadre et Pratiques de Communication Financière » accompagne les sociétés cotées dans la pratique de leur communication financière. Ce guide est devenu un outil indispensable pour les responsables des Relations Investisseurs comme pour les autres acteurs de la communication financière (agences, conseils, etc.).
Il permet aux sociétés de prendre connaissance des évolutions les plus récentes, notamment en matière d’information extra-financière, tout en les articulant avec les obligations existantes en matière financière, de gestion de l’information privilégiée et d’information permanente du marché.
Le développement de la communication extra-financière est une évolution majeure, particulièrement en Europe.
Face à l’urgence climatique, les sociétés comme les acteurs des marchés financiers ont désormais l’obligation de produire et publier de nombreuses informations en matière environnementale, sociale et de gouvernance (ESG). Ces nouvelles obligations d’information résultent de l’entrée en vigueur progressive, mais rapide, d’un nouveau corpus de réglementations internationales, mais surtout européennes. La complexité de la réglementation constitue un défi pour les acteurs qui doivent les mettent en œuvre. Indéniablement, l’Europe a pris une avance importante dans ce domaine, et les risques de fragmentation réglementaires sont donc réels. Cet enjeu est particulièrement important pour les émetteurs, pour lesquels il s’agit d’écarter le risque d’exigences contradictoires et redondantes.
Dans ce contexte, l’Autorité des marchés financiers (AMF) entend, dans le cadre de ses orientations stratégiques 2023-2037 « Impact 2027 », promouvoir une finance plus durable. Dès 2018, l’AMF a fait de la finance durable l’une de ses grandes priorités, complétant son plan stratégique « Supervision2022 » d’une feuille de route dédiée, mettant en avant le rôle d’accompagnement et de supervision des acteurs (émetteurs, gestionnaires de fonds, distributeurs) par le régulateur. Cet effort a permis à l’AMF et à la Place de Paris de prendre de l’avance dans ce domaine qui correspond à une attente forte des investisseurs, et de la société dans son ensemble. La poursuite de l’implication de l’AMF dans ce domaine s’impose donc comme une évidence.
Depuis 2018, un ensemble de réglementations européennes est venu s’ajouter à l’édifice réglementaire que l’AMF a la responsabilité de faire appliquer. Cet ensemble, très ambitieux, est bienvenu car en matière de finance durable, l’échelon européen, sinon international, est l’échelon pertinent. Mais, du fait même de sa complexité, cet ensemble n’est pas toujours cohérent, et sa mise en œuvre constitue un défi pour les acteurs.
Cette situation entraîne deux grandes priorités pour l’AMF : être force de proposition en vue de la finalisation du cadre réglementaire, et accompagner les entreprises et les acteurs financiers dans la bonne mise en œuvre de ces règles, sans exclure évidemment des actions plus coercitives pour lutter contre le greenwashing (éco blanchiment). Il est en effet essentiel d’assurer la confiance des épargnants - dont l’intérêt pour la finance durable va croissant - dans le nouveau cadre réglementaire.
En matière de réglementation, l’objectif est de contribuer à un ensemble de règles cohérent et de qualité. Cela vaut au niveau européen, mais aussi pour l’articulation entre les normes internationales produites par l’ISSB (International Sustainability Standards Board), et les normes européennes (ESRS - European Sustainability Reporting Standards), dont il faut assurer l’interopérabilité.
Le régulateur a également un rôle important à jouer pour accompagner et encourager le développement des bonnes pratiques. L’essor de la réglementation s’est traduit par le développement de concepts nouveaux, d’une technicité réelle, sur les sujets climatiques et plus largement ESG, et ce, pour un nombre croissant d’acteurs.
1.1Notions d’information périodique, d’information permanente et d’information réglementée
1.1.1Régulation de l’information financière
L’information financière fait l’objet d’une réglementation complète – et souvent complexe – qui distingue principalement (i) « information périodique », (ii) « information permanente » et (iii) « information réglementée », auxquelles il convient d’ajouter (iv) l’information spécifique liée à une opération.
Les émetteurs « valeurs moyennes » (les émetteurs des compartiments B et C d’Euronext et d’Euronext Growth) se référeront utilement (i) au vade-mecum de la doctrine de l’AMF à destination des valeurs moyennes pour une présentation des principales règles en matière de communication et d’information financière, publié en novembre 2016, et (ii) au guide publié le 23 octobre 2017 par l’AMF à l’attention des PME et des entreprises de taille intermédiaire (ETI) aux fins de présenter les principales règles boursières et de droit des sociétés qui leur sont applicables. Ce guide pratique, organisé par thématique et décliné selon le marché de cotation, aborde notamment les modalités et les délais de publication de l’information financière, la nature des informations à communiquer ou encore les règles relatives au gouvernement d’entreprise(1).
1.2Égalité d’information entre les investisseurs
Afin d’assurer une parfaite égalité d’information entre les investisseurs, l’émetteur qui communique une information privilégiée à un tiers(11) non tenu d’une obligation de confidentialité doit en assurer une diffusion effective et intégrale, soit simultanément en cas de communication intentionnelle, soit le plus rapidement possible en cas de communication non intentionnelle (l’émetteur sera par exemple tenu de diffuser publiquement l’information considérée en cas de communication d’une information confidentielle à un analyste au cours d’un entretien individuel ou au cours d’un roadshow). Les émetteurs disposant sur leur site Internet d’un espace d’information restreint aux membres de leur club d’actionnaires doivent ainsi se montrer particulièrement vigilants.
Par ailleurs, dans le même souci d’égalité, l’information diffusée doit être accessible à l’ensemble des investisseurs au même moment afin d’éviter que ne se crée une asymétrie d’information qui avantagerait certains investisseurs au détriment des autres(12).
Ainsi, si l’émetteur ou certaines de ses filiales sont cotés à l’étranger, les informations doivent être diffusées de manière simultanée en France et à l’étranger. Il convient de noter que ce principe doit s’appliquer tant pour la diffusion d’une information par la voie d’un communiqué de presse qu’en cas de notification ou de dépôt d’un document auprès d’une autorité étrangère (par exemple, l’enregistrement du 6-K aux États-Unis).
Il est également recommandé aux émetteurs de diffuser les informations financières en dehors des horaires d’ouverture de la Bourse afin de permettre à l’ensemble des investisseurs d’assimiler l’information diffusée avant la reprise des cotations et d’éviter une variation brutale du cours de Bourse de l’émetteur. À cet égard, si la transposition en droit français des dispositions de la Directive sur les marchés d’instruments financiers (« Directive MIF ») a mis fin à l’obligation de concentration des ordres de Bourse sur les marchés réglementés et consacré des modes alternatifs d’exécution des ordres, l’essentiel des transactions sur les titres des émetteurs français cotés sur Euronext Paris continue à y être réalisé. Dans ces conditions, les horaires de clôture et d’ouverture de la cotation des titres financiers sur Euronext Paris continuent de constituer un référentiel pertinent pour la publication, par les sociétés cotées sur Euronext Paris, des informations les concernant.
En cas de multi-cotation, il est recommandé à l’émetteur d’adapter sa politique de diffusion pour éviter de divulguer des faits nouveaux importants pendant que le marché est ouvert.
1.3Homogénéité de l’information
En vertu du principe d’homogénéité de l’information, l’opportunité de communiquer une information doit être appréciée par l’émetteur en fonction de ses pratiques antérieures et de l’historique de ses communications afin d’éviter d’induire en erreur les investisseurs.
En particulier, l’émetteur doit réserver un traitement identique, en termes de communication, aux informations susceptibles d’impacter le cours de son titre à la hausse et à la baisse.
En application du principe d’homogénéité de l’information, l’émetteur doit également s’assurer de la cohérence de l’ensemble des informations qu’il diffuse, quels que soient la date, le support et les destinataires de la diffusion. En particulier, l’information financière diffusée par voie de presse écrite doit être cohérente avec les informations diffusées par voie électronique. Cette exigence de cohérence implique la mise en place par l’émetteur, au niveau du Groupe, d’un contrôle préalable et d’une centralisation de l’information diffusée. Enfin, en application du principe d’homogénéité de l’information, si l’émetteur choisit de communiquer des indicateurs en complément de ceux directement issus de ses états financiers (indicateurs alternatifs de performance) ou une information sectorielle, il devra s’assurer de leur cohérence dans le temps. Elle peut évoluer en fonction des changements stratégiques opérés par l’émetteur, mais doit être expliquée dans l’ensemble des supports de cette information(13).
1.4Information exacte, précise et sincère
L’information délivrée au public par les émetteurs doit être exacte, précise et sincère(14). Ces exigences s’appliquent tant aux informations dont la communication est obligatoire au titre de la réglementation qu’aux informations communiquées par l’émetteur sur une base purement volontaire. L’exactitude, la précision et la sincérité des informations s’apprécient à la date de leur communication.
L’information délivrée au public par l’émetteur doit être exacte, c’est-à-dire exempte d’erreurs, mais elle doit aussi être précise, c’est-à-dire que l’émetteur doit communiquer au marché, de façon univoque, l’ensemble des éléments relatifs à l’événement qui fait l’objet de la communication, afin de permettre au marché d’apprécier l’impact de cet événement sur la situation et les perspectives de l’émetteur. Cette exigence de précision correspond à celle d’une information complète : la précision diffère de l’exactitude en ce qu’une information, en elle-même exacte, pourrait être imprécise si l’émetteur a par ailleurs omis de communiquer une autre information ou un élément d’information qui aurait été susceptible de modifier l’appréciation de sa situation par le marché(15). Cependant, la seule imprécision d’une information n’est pas en elle-même constitutive d’un manquement(16). En effet, en application des articles 12 et 15 du Règlement Abus de marché, lesquels constituent désormais le fondement réprimant les manquements à la qualité de l’information communiquée au public, deux éléments constitutifs supplémentaires sont requis : (i) la circonstance « que les informations litigieuses donnent ou soient susceptibles de donner des indications fausses ou trompeuses », « en ce qui concerne l’offre, la demande ou le cours d’un instrument financier [...] ou fixent ou soient susceptibles de fixer à un niveau anormal ou artificiel le cours d’un ou de plusieurs instruments financiers » et (ii) l’exigence d’une « connaissance, avérée ou supposée, du caractère faux ou trompeur de l’information diffusée ».
L’information divulguée par l’émetteur doit être sincère. La sincérité de l’information délivrée par l’émetteur implique que soient communiqués tant les éléments positifs que les éléments négatifs afférents à l’information considérée. Ceci rejoint le principe d’homogénéité de l’information précédemment énoncé.
1.5Obligation de communiquer au marché les « informations privilégiées »
1.5.1Qualifier l’information privilégiée
En matière d’information périodique, ou lorsque la réglementation prévoit spécifiquement une situation dans laquelle un émetteur doit communiquer, le fait générateur de l’obligation de communiquer repose sur un ou plusieurs critères objectifs ne laissant place à aucune appréciation de la part de l’émetteur. Ce dernier devra, sans hésitation, publier un rapport financier annuel au titre de chaque exercice social (information périodique) ou encore publier un prospectus en cas d’offre au public ou d’admission aux négociations sur un marché réglementé, sous réserve des cas d’exemption.
À l’inverse, en matière d’information permanente, il est de la responsabilité de l’émetteur de déterminer s’il est tenu ou non de communiquer une information au public en application des principes contenus dans le Règlement Abus de marché. En conséquence, l’AMF recommande aux émetteurs de disposer de procédures internes leur permettant d’évaluer si une information est de nature privilégiée ou non(17).
L’article 7 du Règlement Abus de marché définit une information privilégiée comme étant une information à caractère précis qui n’a pas été rendue publique, qui concerne, directement ou indirectement, un ou plusieurs émetteurs, ou un ou plusieurs instruments financiers, et qui, si elle était rendue publique, serait susceptible d’influencer de manière sensible le cours des instruments financiers concernés ou le cours d’instruments financiers dérivés qui leur sont liés, une information qu’un investisseur raisonnable serait susceptible d’utiliser comme faisant partie des fondements de ses décisions d’investissement.
Une information est réputée à caractère précis si elle fait mention d’un ensemble de circonstances ou d’un événement qui se sont produits ou dont on peut raisonnablement penser qu’ils se produiront, et ce de façon suffisamment précise pour que l’on puisse en tirer une conclusion quant à l’effet possible de cet ensemble de circonstances ou de cet événement sur le cours des instruments financiers ou des instruments financiers dérivés qui leur sont liés, des contrats au comptant sur matières premières qui leur sont liés ou des produits mis aux enchères basés sur les quotas d’émission. Ces circonstances ou événements peuvent avoir un caractère financier, stratégique, technique, organisationnel ou encore juridique. La Commission des sanctions de l’AMF est récemment venue rappeler qu’en matière de projet de prise de contrôle de société, « le caractère précis d’une information sur un projet d’offre publique est établi dès que ce projet est suffisamment défini entre les parties pour avoir des chances raisonnables d’aboutir » (AMF, Commission des sanctions, 3 août 2021, SAN-2021-15, Safran/Zodiac). Dans la décision précitée, l’AMF souligne également qu’une étape intermédiaire d’un processus ou d’une opération étalée dans le temps peut être considérée en elle-même comme une information privilégiée, dans la droite ligne de la jurisprudence Daimler (CJUE, 28 juin 2012, Markus Gelt v. Daimler AG, Aff. C-19/11), désormais intégrée à l’article 7 du Règlement Abus de marché.
La Cour de justice de l’Union européenne avait par ailleurs précisé dans un arrêt du 11 mars 2015 (C-628/13) qu’une information pouvait revêtir un caractère précis quand bien même le sens de la variation du cours des instruments financiers concernés ne pouvait être déterminé avec un degré de probabilité suffisant. Prise à la lettre, cette décision avait consacré un élargissement non négligeable du champ de l’obligation d’information permanente. Par ailleurs, la Cour de justice avait affirmé, à cette occasion, que la définition de l’information privilégiée est la même selon qu’il s’agisse d’appliquer l’obligation de publication ou l’obligation d’abstention (opération d’initié).
L’AMF a rappelé les bonnes pratiques à adopter en cas de doute sur le caractère privilégié d’une information détenue par une société cotée, par exemple lorsque la société est confrontée à une accumulation de dysfonctionnements affectant son activité.
Dans une telle situation, et afin d’assurer un égal accès et une correcte information des investisseurs, l’AMF encourage les émetteurs à communiquer au plus tôt l’information en cause. Une telle publication sera utilement accompagnée de précisions quant aux moyens déployés pour remédier aux dysfonctionnements, puis d’une mise à jour régulière quant à l’état d’avancement de la situation.
L’AMF a également rappelé l’importance qui s’attache non seulement à la bonne information des investisseurs, mais aussi aux mesures que les émetteurs doivent prendre afin que leurs salariés ne divulguent pas et n’utilisent pas à des fins personnelles les informations dont ils ont pris connaissance dans le cadre de leurs fonctions. La formation de l’ensemble des salariés d’un émetteur constitue dans ce cadre l’un des moyens permettant de prévenir d’éventuelles opérations d’initiés(18).
1.6Diffusion effective et intégrale
1.6.1Diffusion par voie electronique
L’AMF a publié un Guide pratique relatif au dépôt de l’information réglementée et à sa diffusion, mis à jour le 6 décembre 2021.
L’émetteur doit s’assurer de la diffusion effective et intégrale de l’information réglementée le concernant, à l’exception des informations relatives aux franchissements de seuils dont la diffusion est assurée par l’AMF elle-même(31).
La diffusion de l’information réglementée doit être réalisée par voie électronique, conformément aux principes définis par le Règlement général de l’AMF qui impose une diffusion permettant d’atteindre un public aussi large que possible, dans des délais aussi courts que possible et selon des modalités garantissant l’intégrité de l’information. Pour ce faire, les émetteurs peuvent, à leur discrétion, choisir de diffuser eux-mêmes l’information réglementée ou décider de recourir aux services d’un diffuseur professionnel figurant sur une liste publiée par l’AMF, auquel cas ils sont présumés satisfaire à leur obligation de diffusion effective et intégrale(32).
Dans cette perspective d’accessibilité, l’AMF recommande également de rappeler l’existence des différents comptes des émetteurs sur les réseaux sociaux sur leur site Internet, dans une rubrique ad hoc visible dès la page d’accueil du site ou la page « finance » ou « investisseurs », les comptes corporate de l’émetteur et de ses principales filiales devant être bien identifiés comme tels(33).
Les émetteurs doivent, enfin, déposer l’information réglementée auprès de l’AMF sous format électronique, via l’extranet ONDE, simultanément à sa diffusion au public, sauf lorsque l’émetteur a recours à un diffuseur professionnel inscrit sur une liste publiée par l’AMF, ce dernier se chargeant directement de ce dépôt auprès de l’AMF. Les émetteurs n’ont plus l’obligation de procéder à une communication financière par voie de presse écrite(34). L’AMF recommande néanmoins de procéder à une telle communication selon le rythme et les modalités de présentation que les émetteurs estiment adaptés au type de titres financiers émis, à leur actionnariat et à leur taille (position-recommandation n° 2016-05, § 19.5, mise à jour le 29 avril 2021).
Les émetteurs dont les titres sont admis ou font l’objet d’une demande d’admission sur Euronext Growth doivent aussi s’assurer de la diffusion effective et intégrale de l’information réglementée selon les mêmes modalités que les émetteurs cotés sur Euronext Paris(35). Il en est de même pour les émetteurs dont les titres sont inscrits sur Euronext Access (ou dont l’admission a été demandée). Notons que la Commission des sanctions de l’AMF a pu estimer que diffuser une information au détour d’un projet de résolution dans un avis de réunion du BALO ne permet pas de considérer que l’information a été portée à la connaissance du public(36).
1.7Archivage et transparence
Les émetteurs sont tenus d’afficher sur leur site Internet l’information réglementée dès sa diffusion(39).
Aux termes de l’article 17.1 du Règlement Abus de marché, les émetteurs sont tenus d’afficher et de conserver sur leur site Internet les informations privilégiées qu’ils sont tenus de publier pour une période d’au moins cinq ans.
- ■le rapport financier annuel ;
- ■le rapport financier semestriel ;
- ■le rapport sur les sommes versées aux gouvernements(40).
Les questions-réponses de l’ESMA du 22 octobre 2015 relatives à la Directive Transparence précisent que les rapports qui ont été mis à disposition du public depuis moins de cinq ans avant le 26 novembre 2015 doivent être conservés pendant dix ans (à compter de la date de publication initiale).
L’AMF recommande par ailleurs de prévoir un temps d’archivage suffisamment long pour l’information réglementée non constitutive d’une information privilégiée, mais jugée sensible et non incluse dans les rapports financiers annuels et semestriels.
La Direction de l’Information légale et administrative assure par ailleurs le stockage centralisé et l’archivage de l’information réglementée sur le site www.info-financiere.fr pour une durée de dix années. Poursuivant l’objectif de transparence financière, la création d’un point d’accès européen unique pour les données financières et extra-financières des sociétés cotées (European Single Access Point - ESAP) est en projet. Le projet de Règlement n° 2021/0378 (COD) est en première lecture au parlement et figure parmi les priorités législatives pour 2023 et 2024 des institutions européennes (Déclaration commune 2023-24 du 17 février 2023).
En outre, la Directive Transparence révisée (Directive 2013/50/UE), complétée notamment par le Règlement délégué (UE) 2016/1437, prévoit un mécanisme d’archivage des rapports financiers annuels centralisé au niveau européen (le point d’accès électronique européen), dont l’objectif est de faciliter l’accès à l’information financière et la comparabilité des comptes des sociétés. Un règlement délégué de la Commission établit un format électronique unique européen (European Single Electronic Format)(41).
Les états financiers consolidés IFRS contenus dans ces rapports doivent être libellés en utilisant le format XBRL pour les exercices ouverts depuis le 1er janvier 2021 pour les états financiers primaires : bilan, compte de résultat et tableau des flux de trésorerie Les notes annexes aux états financiers au titre des exercices ouverts à compter du 1er janvier 2022 doivent être balisées à l’aide des balises XBRL globales.
1.8Langue
1.8.1Harmonisation européenne
L’internationalisation croissante des marchés financiers avec une base actionnariale géographiquement de plus en plus diversifiée, la cotation de certains émetteurs sur plusieurs marchés (multi-cotation) ou encore la réalisation d’opérations financières transfrontalières posent avec une acuité accrue la question du régime linguistique des documents d’information publiés par les émetteurs.
La nécessité de procéder à une traduction de ces documents peut constituer une contrainte importante pour les émetteurs et freiner leur accès aux places financières étrangères. Dans le même temps, afin d’assurer la bonne information des investisseurs, il est nécessaire que les informations diffusées par un émetteur sur une place financière le soient dans une langue accessible et compréhensible par les investisseurs concernés.
Afin de favoriser la circulation des capitaux au sein de l’Union européenne et de l’Espace économique européen tout en garantissant la bonne information des investisseurs, le législateur européen est venu harmoniser le régime linguistique des différents documents d’information publiés par les émetteurs.
2.1Calendrier des publications
Le calendrier de la communication financière est déterminé par les obligations légales de publication, détaillées ci-après, et par les capacités des systèmes d’information des entreprises à fournir dans un délai donné une information chiffrée exacte, précise et sincère.
Au-delà des obligations légales, l’AMF a formulé des recommandations liées à la publication d’une information financière trimestrielle et à la publication du chiffre d’affaires annuel(1).
Information |
Date limite |
---|---|
Chiffre d’affaires du 4e trimestre (facultatif) et de l’exercice N-1 |
fin février |
Résultats de l’exercice |
30 avril |
Information financière trimestrielle (1er trimestre) (facultatif) |
15 mai |
Assemblée générale annuelle |
30 juin |
Chiffre d’affaires du 2e trimestre et du 1er semestre (facultatif) |
15 août |
Résultats du 1er semestre |
30 septembre |
Information financière trimestrielle (3e trimestre) (facultatif) |
15 novembre |
L’AMF recommande aux émetteurs de définir et de publier leur calendrier prévisionnel de communication financière, précisant les dates des différentes publications périodiques et les raisons justifiant le choix de ces dernières, dans leur rapport annuel et sur leur site Internet dans une rubrique clairement identifiée. Il est aussi de bonne pratique de publier ce calendrier dans un communiqué de presse.
En cas de modification d’une ou plusieurs dates initialement communiquées, il conviendra d’apprécier la nécessité d’un communiqué de presse (s’agissant du cas particulier de la modification de la date de paiement du dividende, voir 2.6.4, « Dividendes »).
Dans tous les cas, le calendrier de communication devra être mis à jour chaque année(2).
2.2Publications périodiques
2.2.1Enjeu des publications périodiques
Les publications périodiques constituent les rendez-vous incontournables de la communication financière des émetteurs. C’est en effet lors de ces publications que l’entreprise cotée transmet, par différents moyens, de nombreuses informations sur sa stratégie, ses marchés, ses performances financières et extra-financières ainsi que leur traduction dans ses comptes et dans sa vie sociale. C’est sur la base de cette information que se fonde en grande partie l’analyse des émetteurs par les acteurs des marchés financiers. Pour que celle-ci soit aussi pertinente que possible, il est essentiel, pour l’entreprise cotée, d’aider ces acteurs dans leur travail d’analyse et de compréhension de son modèle économique.
À cette fin, les entités dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé sont tenues de mettre en place un Comité spécialisé chargé notamment du suivi de l’élaboration de l’information financière. Il s’agit en pratique du Comité d’audit.
L’AMF a publié un Guide de l’information périodique des sociétés cotées(3) qui reprend les principales obligations des émetteurs en matière d’information financière applicable aux émetteurs cotés sur Euronext Paris avec une section dédiée à Euronext Growth et Euronext Access.
2.3Publication d’informations prospectives ou estimées
2.3.1Informations prospectives qualitatives
La communication au marché par l’émetteur d’informations prospectives qualitatives est obligatoire :
- ■dans le rapport de gestion préparé pour les besoins de l’Assemblée générale, en application des articles L. 233-26 et L. 232-1 II du Code de commerce (article L. 233-26 : « Le rapport de gestion du Groupe expose (...) l’évolution prévisible [de l’ensemble constitué par les entreprises comprises dans la consolidation] » ; article L. 232-1 II : « Le rapport de gestion expose (...) l’évolution prévisible [de la société] » ;
- ■dans l’URD, conformément au Règlement délégué n° 2019/980 de la Commission du 14 mars 2019 :
- -en application de la rubrique 18.7 de l’annexe 1 du Règlement délégué n° 2019/980, l’émetteur est tenu de « décrire tout changement significatif de la situation financière du Groupe survenu depuis la fin du dernier exercice pour lequel des états financiers audités ou des informations financières intermédiaires ont été publiés, ou fournir une déclaration négative appropriée », et
- -en application de la rubrique 10.1 de l’annexe 1 du Règlement délégué n° 2019/980, l’émetteur est tenu de « fournir une description a) des principales tendances récentes ayant affecté la production, les ventes et les stocks ainsi que les coûts et les prix de vente entre la fin du dernier exercice et la date du document d’enregistrement ; b) de tout changement significatif de performance financière du Groupe survenu entre la fin du dernier exercice pour lequel des informations financières ont été publiées et la date du document d’enregistrement, ou fournir une déclaration négative appropriée »,
- -en application de la rubrique 10.2 de l’annexe 1 du Règlement délégué n° 2019/980, l’émetteur est tenu de « signaler toute tendance, incertitude, contrainte, engagement ou événement dont l’émetteur a connaissance et qui est raisonnablement susceptible d’influer sensiblement sur les perspectives de l’émetteur, au moins pour l’exercice en cours ».
2.4Événements liés à l’activité de l’entreprise
2.4.1Caractère significatif des informations
Les informations relatives à l’activité commerciale, la production, la recherche et développement et, dans une certaine mesure, la vie sociale de l’entreprise, constituent avec les annonces à caractère plus stratégique (acquisitions ou cessions), le newsflow de l’émetteur, destiné à illustrer la mise en œuvre de sa stratégie et participant de son image. L’émetteur doit toujours veiller à ce que les événements qu’il décide de communiquer revêtent un caractère significatif afin d’éviter de saturer les acteurs des marchés en leur délivrant trop d’informations non hiérarchisées.
Ainsi, des informations à caractère commercial, technique, d’intérêt local ou spécifique (liées à un secteur ou une technologie) n’atteignant pas un certain seuil de matérialité (voir infra) peuvent ne pas faire l’objet d’une diffusion effective et intégrale (car elles ne constituent pas une information réglementée), mais seulement être mises à disposition sur le site Internet de l’émetteur.
Lorsque survient un événement lié à l’activité de l’entreprise, l’émetteur apprécie donc si une communication au marché est requise, eu égard au caractère significatif ou non de cet événement et de l’impact éventuel qu’il pourrait avoir sur le cours de Bourse de l’émetteur. L’émetteur pourra se baser notamment sur les critères suivants :
- ■conséquences attendues sur les performances financières (chiffre d’affaires, marge, coûts induits) ;
- ■effets sur la structure financière (endettement net, capitaux propres) ;
- ■impacts estimés, en termes de positionnement concurrentiel (gain ou perte de parts de marché, avancées technologiques conférant un atout compétitif, etc.), de la stratégie (conquête d’une nouvelle zone géographique, diversification des activités, etc.) ;
- ■répercussions sociales estimées (recrutement, réorganisation fonctionnelle, etc.), et, en particulier, sur la zone concernée (pays, commune, département, région, etc.) ;
- ■secteur d’activité de l’émetteur (par exemple : importance particulière des brevets pour les émetteurs intervenant dans les secteurs de la pharmacie ou des cosmétiques, importance des grands contrats en matière pétrolière, etc.).
2.5Gouvernement d’entreprise
2.5.1La référence à un Code de gouvernement d’entreprise
Les dispositions de la Directive 2013/34/UE instaurant le principe « appliquer ou expliquer » ont été transposées à l’article L. 22-10-10-4° du Code de commerce. Le rapport sur le gouvernement d’entreprise doit préciser « lorsqu’une société se réfère volontairement à un Code de gouvernement d’entreprise élaboré par les organisations représentatives des entreprises, les dispositions qui ont été écartées et les raisons pour lesquelles elles l’ont été, ainsi que le lieu où ce Code peut être consulté, ou à défaut d’une telle référence à un Code, les raisons pour lesquelles la société a décidé de ne pas s’y référer, ainsi que, les cas échéants, les règles retenues en complément des exigences requises par la loi ».
Ces informations doivent être suffisamment claires, précises et complètes. Elles doivent porter sur (i) les recommandations effectivement appliquées par les sociétés (qui doivent alors décrire de quelle manière elles les appliquent et faire apparaître ces informations sur leur site Internet) et (ii) les recommandations auxquelles les sociétés dérogent (elles doivent notamment expliquer de quelle manière elles y dérogent, quelles sont les raisons de cette dérogation et quelles sont les mesures mises en œuvre afin d’atteindre l’objectif sous-jacent de la recommandation en question).
Les deux principaux Codes de gouvernement d’entreprise auxquels se réfèrent les émetteurs à ce jour sont le Code AFEP-MEDEF de gouvernement d’entreprise des sociétés cotées (dont la dernière version a été modifiée en décembre 2022, applicable pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2023) et le Code Middlenext pour les valeurs moyennes et petites (dont la dernière version a été modifiée le 12 septembre 2021).
Notons que le Code AFEP-MEDEF tout comme l’AMF recommandent aux émetteurs d’indiquer dans une rubrique ou un tableau spécifique de l’URD ou du rapport annuel toutes les recommandations qu’elles n’appliquent pas et les explications y afférentes(109).
L’AMF publie chaque année un rapport sur les pratiques constatées et émet des recommandations en matière d’information à fournir sur la gouvernance et la rémunération des dirigeants (par exemple, voir les Rapports 2021 et 2022 de l'AMF sur le gouvernement d’entreprise et la rémunération des dirigeants de sociétés cotées).
Il est important de noter que le Code AFEP-MEDEF a renforcé, depuis juin 2018, les pouvoirs de sanctions du Haut Comité de Gouvernement d’Entreprise en le dotant de la possibilité de recourir au name and shame. Si une société ne répond pas dans un délai de deux mois à une lettre du Haut Comité demandant des justifications sur l’inapplication de recommandations du Code, celle-ci s’expose à ce que le contenu de cette lettre soit rendu public(110).
2.6Événements relatifs à l’actionnariat
2.6.1Modification de l’actionnariat
2.6.1.1Droits de vote et actions composant le capital social
En application de l’article 223-16 du Règlement général de l’AMF, chaque mois, les émetteurs sont tenus de publier et de transmettre à l’AMF le nombre total d’actions et de droits de vote composant leur capital social, si ce nombre a varié par rapport à celui publié antérieurement (un exemple de communiqué de presse figure en annexe 12 du Guide relatif au dépôt de l’information réglementée auprès de l’AMF et à sa diffusion, mis à jour en décembre 2021).
L’information relative au nombre d’actions et de droits de vote composant le capital des émetteurs ne fait pas l’objet d’une publication sur le site Internet de l’AMF. Elle est diffusée par les émetteurs au titre de l’information réglementée ; en conséquence, l’émetteur doit s’assurer de sa diffusion effective et intégrale et la mettre en ligne sur son propre site Internet.
2.6.1.2Franchissement de seuil légal (information à la charge de l’actionnaire)
En application de l’article L. 233-7 du Code de commerce, toute personne physique ou morale, agissant seule ou de concert, qui vient à posséder directement ou indirectement un nombre d’actions franchissant l’un des seuils légaux (i.e. 5 %, 10 %, 15 %, 20 %, 25 %, 30 %, 1/3, 50 %, 2/3, 90 % ou 95 % du capital ou des droits de vote de l’émetteur), que ce franchissement intervienne à la hausse ou à la baisse, doit procéder à une notification à l’émetteur concerné au plus tard le 4e jour de Bourse suivant le franchissement de seuil considéré.
L’article 223-14 du Règlement général de l’AMF impose aux mêmes personnes d’informer également l’AMF avant la clôture des négociations, au plus tard le 4e jour de négociation suivant le franchissement de seuil. Les informations relatives au franchissement d’un seuil légal de participation constituent une information réglementée dont la diffusion effective et intégrale est exceptionnellement assurée directement par l’AMF sur son site Internet(160).
Avec l’instauration d’un droit de vote double automatique depuis le 2 avril 2016 (sauf clause contraire des statuts) pour toutes les actions entièrement libérées pour lesquelles il est justifié d’une inscription nominative depuis deux ans au moins, les actionnaires devront particulièrement être vigilants au franchissement de ces seuils. L’AMF publie cette information sur son site Internet après réception du formulaire de déclaration de franchissement de seuil, dont un modèle est disponible sur le site Internet de l’AMF. L’ordonnance n° 2015-1576 du 3 décembre 2015 a modifié le champ des déclarations de franchissement de seuils.
- ■L’article L. 233-7 I du Code de commerce prévoit désormais que les actions entrant dans le calcul du seuil de participation peuvent être possédées « directement ou indirectement » ;
- ■Le champ des instruments financiers exclus du calcul est élargi, en sus des actions, aux accords et instruments financiers mentionnés à l’article L. 233-7 et au I de l’article L. 233-9 du Code de commerce qui remplissent certaines caractéristiques (acquisition aux seules fins de compensation, détention par les teneurs de comptes-conservateurs, détention par un PSI dans son portefeuille de négociation, mais aussi désormais acquisition à des fins de stabilisation, etc.) ;
- ■Sont désormais assimilés aux actions et droits de vote pour le calcul des seuils dont le franchissement doit être déclaré les accords ou instruments financiers donnant droit à un règlement physique ou à un règlement en espèces (article L. 233- 9 I 4° bis du Code de commerce) et les options exerçables immédiatement ou à terme. S’il est constant que seuls les instruments conférant une position longue doivent être pris en compte, l’AMF a récemment considéré qu’une double assimilation doit être faite en cas d’acquisition de calls physiques par une partie et de vente de puts physiques par la même partie, alors même que les caractéristiques de la situation rendaient impossible l’acquisition tout à la fois des actions sous-jacentes aux calls et des actions sous-jacentes aux puts (clause prévoyant la caducité des puts ou des calls, respectivement en cas d’exercice des calls ou des puts) ;
- ■L’acquisition de titres dans le cadre d’un programme de rachat et de stabilisation d’instruments financiers constitue un nouveau cas de dispense d’information relatif aux déclarations de franchissement de seuils légaux ou statutaires et aux opérations de cession temporaire, à condition que les droits de vote attachés ne soient pas exercés ni utilisés autrement que pour intervenir dans la gestion de l’émetteur (art. L. 233-7 IV du Code de commerce).
Enfin, aux termes de l’article 223-15-1 du Règlement général de l’AMF, les obligations de déclaration des franchissements de seuils s’appliquent également aux systèmes multilatéraux de négociation organisés lorsqu’une personne vient à posséder plus de 50 % ou 95 % du capital ou des droits de vote de la société. Dans ce cas, l’AMF, mais aussi désormais la société émettrice, doit être informée du franchissement de ces seuils.
Par conséquent, en application de la réglementation, la déclaration de franchissement de seuil indique notamment le seuil franchi, le nombre total d’actions et de droits de vote détenus et le nom de l’actionnaire ayant franchi le seuil.
- ■le nombre de titres qu’elle possède donnant accès à terme aux actions à émettre et les droits de vote qui y seront attachés ;
- ■les actions déjà émises que cette personne peut acquérir, en vertu d’un accord ou d’un instrument financier à dénouement physique ou en espèces autres que ceux déjà pris en compte dans le calcul du franchissement de seuil.
La déclaration de franchissement de seuil doit également (i) préciser si l’actionnaire agit seul ou de concert et, (ii) en cas de franchissement des seuils de 10 %,15 %, 20 % ou 25 % du capital ou des droits de vote, indiquer les objectifs poursuivis au cours des six mois à venir dans une déclaration d’intention.
La déclaration d’intention doit alors être adressée à la société émettrice et parvenir à l’AMF avant la fin du 5e jour de Bourse suivant le franchissement. Elle doit préciser les objectifs poursuivis au cours des six mois à venir, les modes de financement de l’acquisition, si l’acquéreur agit seul ou de concert, s’il envisage d’arrêter ses achats ou de les poursuivre, d’acquérir ou non le contrôle, la stratégie qu’il envisage vis-à-vis de l’émetteur, et les opérations pour la mettre en œuvre, ses intentions quant au dénouement des accords et instruments mentionnés aux 4° et 4° bis du I de l’article L. 233-9 du Code de commerce si elle est partie à de tels accords ou instruments ainsi que tout accord de cession temporaire ayant pour objet les actions et droits de vote.
Elle précisera également si l’acquéreur envisage de demander sa nomination ou celle d’une ou plusieurs personnes comme administrateur, membre du Directoire ou du Conseil de surveillance. En cas de changement d’intention dans le délai de six mois, une nouvelle déclaration motivée doit être adressée à la société et à l’AMF sans délai et portée à la connaissance du public, ce qui fait de nouveau courir le délai de six mois.
2.6.1.3Franchissement de seuil légal (information à la charge de l’émetteur)(161)
En principe, l’émetteur communique au marché sur la composition et l’éventuelle modification de son actionnariat dans le cadre de l’information périodique lors de la publication de l’URD.
Par exception, lorsque la structure de l’actionnariat est modifiée suite à une opération à laquelle l’émetteur est partie, celui-ci peut estimer qu’une communication immédiate au marché est nécessaire en raison du caractère significatif de cette modification.
Le communiqué de presse de l’émetteur devrait être publié soit lors de la conclusion de l’accord définitif qui a pour conséquence de modifier l’actionnariat, soit en amont de la conclusion de l’accord définitif dès lors que la confidentialité du changement de la structure de l’actionnariat ne peut plus être assurée.
En l’absence de modification significative de l’actionnariat, l’émetteur qui souhaite faire part au marché de la modification de son actionnariat est libre de procéder à une communication à son entière discrétion.
Si l’émetteur estime qu’une communication immédiate est nécessaire ou opportune, le communiqué de presse diffusé par l’émetteur pourrait décrire l’opération ayant entraîné une modification de l’actionnariat et indiquer la répartition du capital à l’issue de l’opération, les principaux engagements de la société et, le cas échéant, la position de la société par rapport à cette modification de l’actionnariat.
2.6.1.4Franchissement de seuil statutaire
L’actionnaire ayant franchi un seuil statutaire est tenu de déclarer ce franchissement à l’émetteur dans les délais fixés par les statuts. Il s’agit d’une information à usage interne qui n’a pas à être communiquée à l’AMF.
2.6.1.5Pacte d’actionnaires concernant l’émetteur : signature ou fin
Conformément à l’article L. 233-11 du Code de commerce, les clauses des pactes d’actionnaires (et plus généralement de toute convention) qui prévoient des conditions préférentielles de cession ou d’acquisition d’actions admises aux négociations sur un marché réglementé et portant sur au moins 0,5 % du capital et des droits de vote de l’émetteur doivent être transmises par les signataires du pacte à l’émetteur concerné et à l’AMF, cette dernière en assurant la publicité auprès du public(162) dans les cinq jours de Bourse à compter de la signature du pacte ou de la convention concernée.
L’émetteur, en revanche, n’est pas tenu d’informer le marché lors de la signature ou de la rupture d’un pacte d’actionnaires le concernant. En principe, la communication de l’émetteur, relative aux pactes d’actionnaires le concernant, est effectuée dans le cadre de l’information périodique (URD).
2.6.1.6Pacte d’actionnaires concernant une filiale ou une participation de l’émetteur : signature ou fin
Lors de la signature par l’émetteur d’un pacte d’actionnaires concernant l’une de ses filiales cotées ou l’une de ses participations dans une société cotée, comme en cas de rupture ou de fin d’un tel pacte d’actionnaires, une communication au marché est obligatoire si le pacte prévoit des conditions préférentielles de cession ou d’acquisition d’actions portant sur au moins 0,5 % du capital et des droits de vote de la filiale ou de la participation cotée concernée. Le pacte d’actionnaires doit alors, aux termes de la réglementation, être transmis à l’AMF, qui en assure la publicité dans les cinq jours de Bourse à compter de sa signature.
Lorsque le pacte ne concerne pas une société cotée ou concerne une société cotée mais ne prévoit pas de condition préférentielle de cession ou d’acquisition d’actions portant sur au moins 0,5 % du capital et des droits de vote, l’émetteur apprécie la nécessité ou l’opportunité d’une communication au marché, selon le cas, en examinant l’importance significative ou non du pacte d’actionnaires au regard notamment de l’intérêt stratégique majeur de cette filiale pour l’émetteur, du nombre d’actions visées par le pacte d’actionnaires et des droits conférés à l’émetteur et/ou à son (ses) cocontractant(s).
Lorsque l’émetteur estime nécessaire ou opportun de procéder à une communication au marché, le communiqué de presse devrait être publié immédiatement par l’émetteur, dès la signature, dès la fin ou dès la rupture du pacte d’actionnaires.
Le communiqué de presse diffusé par l’émetteur devrait alors indiquer l’identité des parties contractantes, le nombre d’actions visées par la convention et la durée de la convention. Le communiqué de presse devrait également décrire les principales obligations et prérogatives résultant du pacte pour les signataires ainsi que les conséquences de la fin du pacte (fin de l’éventuelle action de concert, etc.).
2.7Risques et litiges
2.7.1Les différentes catégories de risques
Dans le cours de son activité, l’émetteur peut être exposé à divers types de risques. Schématiquement, il est possible de distinguer les risques propres à l’émetteur, qui lui sont spécifiques et qui tiennent à des facteurs d’ordre interne (par exemple, le risque d’une défaillance d’un de ses clients, le risque lié à des pratiques non appropriées de fournisseurs, les risques liés à un événement significatif concernant une filiale cotée ou non cotée de l’émetteur, ou encore le risque de défaillance d’une contrepartie dans les opérations de marché) ; les risques qui tiennent à des facteurs externes, notamment d’ordre macro-économique, susceptibles d’avoir un impact sur son activité et/ou ses résultats, par exemple les risques de marché (risque de change, risque de taux, risque de liquidité, ou encore risque portant sur une matière première) ; les risques liés à un changement de la réglementation applicable à l’émetteur ou à une modification des règles fiscales ; ou encore les risques par pays ayant un impact sur la production, la distribution des produits ou l’approvisionnement de l’émetteur. Les risques liés à des questions de durabilité, encore appelés risques de durabilité, sont des risques à la frontière entre les risques propres à l'émetteur et les risques externes.
L’AMF, dans son Guide d’élaboration des documents d’enregistrement universels, donne ses recommandations pour la rédaction de la rubrique « Facteurs de risques » des URD(177).
D’autres dispositions concernant la présentation des facteurs de risques au sein de l’URD sont insérées dans le Règlement européen délégué 2019/980 du 14 mars 2019. Enfin, l’ESMA a publié une recommandation finale le 29 mars 2019(178), dans laquelle elle précise les éléments attendus et notamment les aspects concernant le nombre de facteurs de risques présentés ainsi que leur degré de matérialité et ses orientations le 1er octobre 2019(179).
L’AMF rappelle que les risques extra-financiers, ou risques de durabilité, doivent être intégrés dans la rubrique facteurs de risques lorsqu’ils répondent aux critères énoncés par le Règlement Prospectus. En ce sens, les risques qui sont spécifiques à l’émetteur et/ou aux valeurs mobilières et qui sont importants pour la prise d’une décision d’investissement en connaissance de cause doivent être décrits dans la section relative aux facteurs de risques. Les autres risques requis par la réglementation (notamment la DPEF), qui ne présentent pas ces caractéristiques, peuvent être présentés dans d’autres parties de l’URD.
Concernant les risques climatiques, notons que l’on distingue classiquement deux grands types de risques(180) :
- ■les risques dits « physiques », c’est-à-dire associés aux impacts physiques du changement climatique. Les risques physiques correspondent aux pertes financières imputables à l’augmentation de la fréquence et de la sévérité des événements climatiques extrêmes (tempêtes, inondations ou sécheresses) et aux impacts chroniques du changement climatique (acidification des océans, élévation du niveau de la mer ou changements dans les précipitations) ;
- ■les risques dits « de transition », c’est-à-dire liés à la transformation de l’économie vers la neutralité carbone. Les principales causes des risques de transition incluent les changements non anticipés de politiques publiques, de normes ou de technologies, ainsi que l’évolution des préférences des consommateurs et des investisseurs, avec des impacts potentiels en matière de réputation. Les risques de gouvernance et les risques liés aux investisseurs (désinvestissement, difficulté à attirer des investisseurs de long terme, sous-valorisation...) s’inséreraient dans cette catégorie des risques de « transition ».
2.8Rumeurs et fuites
2.8.1Rumeurs
Par principe, il n’appartient pas à l’émetteur de commenter les rumeurs le concernant, et ce quelle qu'en soit leur source (salle de marché, presse, forums Internet boursiers, etc.). Par exception, en cas de rumeur infondée persistante, et si cette rumeur induit, de l’appréciation de l’émetteur, une perturbation significative de son cours de Bourse et/ou des volumes de transaction sur son titre, il appartient à l’émetteur d’apprécier l’opportunité de publier un communiqué de presse infirmant la rumeur.
Si la rumeur est fondée, il s’agit vraisemblablement d’une fuite qui devra être traitée comme telle par l’émetteur (voir infra « Fuites »).
2.9Opérations de fusion-acquisition
2.9.1Acquisition et cession
2.9.1.1Existence de négociations et signature d’une lettre d’intention ou d’un document précontractuel
Lorsque l’émetteur est en cours de négociations avec un tiers, en vue d’une opération d’acquisition ou de cession, apprécie si une communication dès que possible au marché est nécessaire ou opportune, au regard du caractère significatif ou non de cette opération (le caractère significatif de l’opération étant apprécié notamment en considération des critères développés dans le sous-cas intitulé « Signature de l’accord ferme »). Le critère d'appréciation demeure l'existance ou non d'une information privilégiée et notamment son caractère suffisamment précis. Il convient à ce titre de relever qu’une étape intermédiaire d’un processus ou d’une opération étalée dans le temps peut être considérée en elle-même comme une information privilégiée. Dans un cas récent, la Commission des sanctions de l’AMF a considéré que le projet d’offre (par opposition à l’offre elle-même) était suffisamment précis dès l’initiation de discussions avec les banques, sans attendre le moment de la prise de contact avec la contrepartie vendeuse ni l’obtention du financement nécessaire à l’acquisition(183).
Si l'information revêt un caractère privilégié, l'émetteur pourra décider d'appliquer les règles du différé de communication d'une information privilégiée. Si les conditions de différé d’information ne sont plus réunies, notamment lorsqu’il n’est plus en mesure d’assurer la confidentialité de cette information, il publie dès que possible.
Lorsque l’opération ne présente pas de caractère significatif, la communication de l’émetteur sur l’existence de négociations est facultative et s’effectue à son entière discrétion.
Si l’émetteur estime qu’une communication immédiate au marché est nécessaire ou opportune, la communication de l’émetteur indique en pratique l’objet des négociations, l’état d’avancement des négociations ainsi que le nom du partenaire.
En cas de signature d’un document précontractuel (protocole d’accord, lettre d’intention, etc.), la communication de l’émetteur peut, dans certains cas, contenir une synthèse des éléments clés de l’accord ainsi que les éventuelles étapes futures ou conditions suspensives devant se réaliser préalablement à la conclusion d’un accord ferme ou la mise en œuvre de l’opération, lorsque l’émetteur estime que la communication de ces éléments au marché est nécessaire ou opportune.
2.9.1.1.1Data room
L’AMF encadre, dans sa position-recommandation n° 2016-08 (§ 3.2), les modalités de transmission d’informations privilégiées préalablement à des opérations de cession de participations significatives dans des sociétés cotées sur un marché réglementé (procédures dites de data room)(184). L’AMF recommande que les procédures de data room ne donnent accès à des informations privilégiées que si cet accès est strictement nécessaire à l’information des participants pour les besoins de l’opération concernée et que l’accès à toute data room soit réservé aux signataires d’une lettre d’intention témoignant de leur intention de réaliser une opération financière et du sérieux de leur projet, en particulier de leur capacité à financer celui-ci.
Préalablement à l’ouverture d’une procédure de data room, chacun des participants devrait signer un engagement de confidentialité destiné à prévenir tout risque de divulgation et d’exploitation d’information privilégiée. Lorsque des informations communiquées dans le cadre de la data room deviennent privilégiées pendant qu’elle est ouverte, l’émetteur est tenu soit de la rendre publique, soit de la différer dans le respect des conditions requises par le Règlement Abus de marché (voir 1.5 « Obligation de communiquer au marché les “informations privilégiées” »). Afin de rétablir le principe d’égalité d’accès à l’information à l’occasion d’une opération financière, l’AMF attend également des émetteurs qu’ils publient,dans le prospectus ou la note d’information,toute information privilégiée transmise dans le cadre d’une data room entre le ou les investisseurs futurs et la société, étant précisé qu’une telle communication ne suffit pas à décharger l’émetteur de diffuser l’information privilégiée, conformément aux conditions requises par l’article 17.1 du Règlement Abus de marché. L’AMF précise que dans l’hypothèse d’une data room intervenant lors d’une offre publique, et dans le cas d’offres concurrentes, l’émetteur devrait organiser l’accès de tous les compétiteurs aux informations contenues dans la data room et conclure avec chacun un accord de confidentialité. L’AMF recommande enfin aux émetteurs de limiter la mise en place de data room donnant lieu ou pouvant donner lieu à la transmission d’informations privilégiées aux seules opérations significatives.
Dans une décision de la Commission des sanctions, il a pu être relevé que l’ouverture d’une data room constituait un élément de contexte ayant conduit, avec d’autres, à caractériser l'existence d’une information privilégiée liée à une opération financière significative(185).
2.9.1.2Signature de l’accord ferme (Signing)
Lors de la signature par l’émetteur d’un accord ferme portant sur une opération d’acquisition ou de cession, l’émetteur apprécie la nécessité ou l’opportunité d’une communication immédiate au marché au regard du caractère significatif ou non que l’acquisition ou la cession revêt pour lui(186). Il peut également décider de différer cette information, sous réserve de respecter les conditions requises (voir 1.5 « Obligation de communiquer au marché les “informations privilégiées” »).
Le caractère significatif de l’opération de cession ou d’acquisition, selon le cas, devrait notamment être apprécié au regard de la taille de l’acquisition,des impacts estimés sur l’activité, les résultats et la structure financière de l’émetteur, de l’intérêt (stratégique, financier, commercial et/ou industriel) de l’opération pour l’émetteur, et de la plus ou moins-value réalisée par l’émetteur en cas de cession.
Lorsque l’opération ne revêt pas un caractère significatif pour l’émetteur, une communication au marché peut tout de même être effectuée si l’annonce de l’acquisition correspond à une attente du marché.
L’information du marché s’effectue par la publication d’un communiqué de presse. Dans certains cas, les émetteurs organisent également une réunion d’analystes ou une conférence de presse relative à l’opération concernée.
En pratique, le communiqué de presse diffusé par l’émetteur contient généralement une description de la cible (activités, résultats et perspectives) et les objectifs stratégiques, financiers, commerciaux et/ou industriels poursuivis par l’émetteur dans le cadre de cette acquisition ou de cette cession, selon le cas. Le communiqué de presse présente également les éventuelles conditions suspensives affectant la réalisation de l’opération (autorisations réglementaires et concurrence, etc.) et donne un calendrier indicatif de l’opération (un exemple de communiqué de presse figure en annexe 3 du Guide relatif au dépôt de l’information réglementée auprès de l’AMF et à sa diffusion).
S’agissant d’une opération d’acquisition, le communiqué de presse diffusé par l’émetteur indique généralement le prix d’acquisition s’il est significatif et peut, si l’émetteur l’estime utile, indiquer le mode de financement envisagé de l’opération.
Le cas échéant, le communiqué de presse peut également indiquer les impacts comptables de l’opération, les synergies escomptées, l’évolution éventuelle ou le maintien du management de la cible, et décrire les risques spécifiques que présente la cible (tels que les risques environnementaux, les risques sociaux, etc.).
S’agissant d’une opération de cession, le communiqué de presse diffusé par l’émetteur indique généralement la plus-value ou moins-value estimée lorsqu’elle est significative (cette information pouvant toutefois être donnée de manière qualitative et non chiffrée). Il convient de préciser que, dans certains cas, pour des raisons comptables spécifiques tenant à l’actif cédé, cette information peut ne pas être communiquée au marché lorsqu’elle est susceptible d’induire le public en erreur.
En revanche, il est rare en pratique que les émetteurs communiquent au marché une description du contexte de l’opération ou divulguent l’existence d’accords ou d’opérations annexes (tels que des contrats de management, des contrats commerciaux, etc.).
2.9.1.3Réalisation définitive de l’opération
En pratique, les émetteurs procèdent généralement à une communication au marché lors de la réalisation définitive d’une opération d’acquisition ou de cession d’une importance significative sur laquelle ils ont préalablement communiqué, notamment lorsque le contexte de l’opération présentait des risques de non-réalisation dont le marché était informé.
Par ailleurs, l’opération d’acquisition ou de cession entraînera une modification du périmètre de l’émetteur susceptible de donner lieu à une information pro forma dans le cadre de l’information périodique (voir 2.2.5.3 « Modification du périmètre de l’émetteur (publication d’informations pro forma) »).
2.9.1.4Réalisation ou défaut de réalisation de conditions suspensives affectant l’opération
Lors de la réalisation des conditions suspensives (autorisation des autorités de la concurrence compétentes, autorisations réglementaires, etc.) qui affectent une opération de cession ou d’acquisition sur laquelle l’émetteur a préalablement communiqué, l’émetteur apprécie, au cas par cas, la nécessité ou l’opportunitéde communiquer cette information au marché au regard du caractère significatif de ces conditions suspensives pour la réalisation de l’opération.
En cas de défaut de réalisation d’une condition suspensive affectant une opération de cession ou d’acquisition sur laquelle l’émetteur a préalablement communiqué, une communication immédiate au marché est nécessaire lorsque l’absence de réalisation de cette condition suspensive empêche définitivement la réalisation de l’opération.
2.9.1.5Rupture de négociations
En cas de rupture des négociations, une communication immédiate au marché paraît nécessaire si le marché était informé des négociations en cours ; au cas inverse, la communication de l’information au marché ne paraît pas souhaitable, hors cas particuliers(187).
Si l’émetteur communique sur la rupture des négociations, le communiqué de presse publié par l’émetteur rappellera l’objet des négociations. En pratique, il est rare que le communiqué de presse indique le motif exact de la rupture des négociations.
2.9.1.6Cessions et acquisitions d’actifs significatifs
Depuis juin 2015, l’AMF recommande que toute société dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé prévoie une consultation de l’Assemblée générale des actionnaires préalablement à la cession, en une ou plusieurs opérations, ou à la conclusion de promesse ou d’option de vente portant sur des actifs représentant au moins la moitié de ses actifs totaux en moyenne sur les deux derniers exercices. Cette consultation des actionnaires est également recommandée dès lors qu’au moins deux des cinq ratios définis par l’AMF dans sa position-recommandation n° 2015-05 atteignent ou dépassent la moitié du montant consolidé de référence pour ce ratio, calculé sur les deux exercices précédents (par exemple, le chiffre d’affaires réalisé par l’actif ou l’activité cédée rapporté au chiffre d’affaires consolidé, ou le prix de cession de l’actif rapporté à la capitalisation boursière du Groupe). Si la société décidait de ne pas appliquer les ratios indiqués précédemment, il lui appartiendrait de justifier son choix, d’indiquer les critères alternatifs retenus et de justifier de leur pertinence.
Le Code AFEP-MEDEF, modifié en dernier lieu en décembre 2022, prévoit qu’en cas d’avis négatif de la part de l’Assemblée générale, le Conseil publie immédiatement sur le site de la société un communiqué sur les suites qu’il entend donner à l’opération.
Par ailleurs, si ces cessions ou acquisitions entrent dans le cycle normal de l’activité des sociétés ayant pour activité principale l’acquisition et la gestion de participations, celles-ci doivent néanmoins expliquer de manière étayée et adaptée à leur situation particulière les raisons pour lesquelles elles estiment qu’écarter cette consultation est conforme à l’intérêt social.
L’AMF et le Code AFEP-MEDEF recommandent également aux dirigeants d’informer les actionnaires et le marché :
- ■de toute cession ou acquisition d’actifs significatifs qui n’est pas nécessairement déterminée par les ratios susmentionnés ;
- ■du contexte et de la négociation de l’accord de cession ou d’acquisition ;
- ■des motifs d’ordre stratégique, économique et financier qui ont conduit à envisager et lancer le processus de cession ;
- ■des étapes successives du processus d’instruction de l’opération mis en œuvre par les organes de la société dans le respect de l’intérêt social.
En cas de cession, devront également être précisés les critères quantitatifs et qualitatifs explicitant les raisons pour lesquelles l’offre a été retenue, et, le cas échéant, les conditions dans lesquelles les offres concurrentes ont été appréciées et écartées, sous réserve des clauses de confidentialité. En cas d’acquisition d’actifs significatifs, le mode de financement de cette opération devra être détaillé.
2.10Opérations financières
2.10.1Obligations liées à l’offre au public de titres financiers
Constituent une offre au public de titres financiers au sens du Règlement (UE) 2017/1129 du 14 juin 2017, applicable par renvoi opéré par l’article L. 411-1 du Code monétaire et financier :
- ■la communication adressée à des personnes et présentant une information suffisante sur les conditions de l’offre et sur les titres à offrir, de manière à mettre un investisseur en mesure de décider d’acheter ou de souscrire ces titres financiers ;
- ■le placement de titres financiers par des intermédiaires financiers.
Un certain nombre de dispenses et exemptions à ce régime sont prévues aux articles 1 et 3 du Règlement (UE) 2017/1129, L. 411-2 et L. 411-2-1 du Code monétaire et financier, et 211-2 du Règlement général de l’AMF.
En complément du Règlement (UE) 2017/1129, la Commission européenne a adopté en 2019 deux Règlements délégués qui complètent la réglementation applicable en ce qui concerne :
- ■la forme, le contenu, l’examen et l’approbation des prospectus (Règlement délégué (UE) 2019/980 du 14 mars 2019) ;
- ■les informations financières clés qui doivent être intégrées dans le résumé, la publication et le classement des prospectus, les communications à caractère promotionnel, les suppléments au prospectus, la publication et le portail de notification (Règlement délégué (UE) 2019/979 du 14 mars 2019).
L’ESMA a publié en mars 2021 des orientations relatives aux obligations d’information dans le cadre du Règlement Prospectus(198), lesquelles visent à aider les émetteurs à se conformer aux obligations d’information établies par le Règlement délégué (UE) 2019/980 qui complète le Règlement Prospectus. Elles concernent à la fois la présentation des émetteurs et des titres financiers, objet du prospectus.
Le Guide d’élaboration des prospectus et information à fournir en cas d’offre au public et d’admission de titres financiers regroupe l’ensemble de la réglementation en vigueur ainsi que la doctrine de l’AMF et de l’ESMA applicable(199).
De manière générale, une offre au public de titres financiers nécessite la publication d’un document (prospectus) destiné à l’information du public, portant sur le contenu et les modalités de l’opération qui en fait l’objet, ainsi que sur l’organisation, la situation financière et l’évolution de l’activité de l’émetteur et des garants éventuels des titres financiers qui font l’objet de l’opération. Ce document est rédigé en français ou, dans les cas définis par le Règlement général de l’AMF, dans une autre langue usuelle en matière financière. Il comprend en principe un résumé et doit être accompagné, le cas échéant, d’une traduction du résumé en français.
Le Règlement (UE) 2017/1129 du 14 juin 2017, qui est entré en vigueur le 21 juillet 2019, a notamment pour objectif de rationaliser ce résumé, qui désormais ne doit pas dépasser sept pages de format A4 et peut être augmenté de trois pages supplémentaires pour y substituer de façon identifiée les éléments du DICI (document clé d’information) de la réglementation PRIIPs(200). En outre, le résumé ne peut comporter plus de quinze facteurs de risques, incluant ceux qui sont « spécifiques » à l’émetteur, aux valeurs mobilières et, le cas échéant, au garant, et « les plus pertinents » pour une décision éclairée de l’investisseur.
Les facteurs de risques doivent également être présentés de manière sélective dans le prospectus selon le Règlement Prospectus 3, dont l’un des objectifs était de mettre un terme à une pratique de présentation exhaustive des facteurs de risques qui permettait à l’émetteur de limiter sa responsabilité. Les facteurs de risques doivent ainsi :
- ■être limités aux seuls risques qui sont spécifiques à l’émetteur et/ou aux valeurs mobilières et qui sont importants pour la prise d’une décision d’investissement ;
- ■être hiérarchisés en fonction de leur probabilité de matérialisation et de l’ampleur estimée de leur impact négatif ;
- ■être présentés dans un nombre limité de catégories en fonction de leur nature.
En complément, l’ESMA a publié douze orientations à destination des autorités nationales (dont l’AMF) sur l’intégration des facteurs de risques dans le prospectus des émetteurs(201). Selon ces orientations :
- ■la communication doit permettre d’établir un lien clair et direct entre le facteur de risque et l’émetteur ou les titres ;
- ■cette communication doit faire ressortir l’importance d’un facteur de risque et son impact potentiel ; seuls les risques les plus importants doivent être présentés en premier dans chaque catégorie de facteurs de risques ;
- ■les facteurs de risques doivent être présentés de manière ciblée et concise ;
- ■l’AMF doit vérifier la cohérence d’ensemble de l’information incluse dans le prospectus (importance et spécificité des facteurs de risques) ;
- ■elle doit s’assurer que les facteurs de risques sont présentés dans différentes catégories en fonction de leur nature ;
- ■elle doit également s’assurer, lorsque le prospectus comprend un résumé, de la cohérence entre la présentation des facteurs de risques dans le résumé et le prospectus.
L’ESMA a pour objectif que le nombre de dix catégories et sous-catégories dans le prospectus soit un maximum. Or le nombre total de facteurs de risques dans le résumé ne peut pas être supérieur à quinze (article 7, paragraphe 10 du Règlement Prospectus). L’émetteur devra donc d’être attentif à l’articulation entre cette exigence de quinze facteurs de risques maximum dans le résumé et l’exigence de dix catégories et sous-catégories de facteurs de risques maximum dans le corps du prospectus.
L’AMF précise également que seuls les risques spécifiques à l’émetteur et/ou aux valeurs mobilières et qui sont importants pour la prise d’une décision d’investissement doivent être inclus dans le prospectus. Cette « spécification » du risque correspond à une « personnalisation » du risque au périmètre de l’émetteur(202).
Le Règlement (UE) 2017/1129 prévoit également que les émissions secondaires de valeurs mobilières fongibles avec des valeurs mobilières existantes émises précédemment ou de titres autres que de capital par des émetteurs dont les valeurs mobilières sont déjà admises à la négociation sur un marché réglementé depuis au moins dix-huit mois bénéficient d’un régime d’information simplifié et allégé se focalisant sur les informations pertinentes dans le contexte de la nouvelle émission.
Il convient de préciser que le Règlement Prospectus 3 a mis en place également, depuis le 21 juillet 2019, un « document d’enregistrement universel » (Universal registration document – URD), inspiré de l’ancien document de référence français, qui permet au marché de disposer d’une information annuelle complète et aux entreprises de bénéficier d’une procédure accélérée d’approbation (cinq jours) lorsqu’elles intègrent ce document dans un prospectus. Ce document, qui est établi par les émetteurs dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé ou un système multilatéral de négociation, doit décrire l’organisation de l’émetteur, son activité, sa situation financière, ses résultats et leurs perspectives, la structure de gouvernance et de l’actionnariat (voir 2.2.6 "Document d’enregistrement universel").
En outre, ce même Règlement, dont la majorité des dispositions sont applicables depuis juillet 2019, prévoit l’établissement d’un prospectus simplifié, appelé « prospectus de croissance de l’Union », établi sur la base de versions allégées pour les documents d’enregistrement et les notes d’opérations, et ce sous forme de réponses à un questionnaire standardisé, pour les PME cotées sur les marchés non réglementés (dont les nouveaux « marchés de croissance des PME »)(203) et pour les petites offres de sociétés non cotées.
La Commission européenne a par ailleurs publié en juin 2018 deux propositions de Règlements modifiant les Règlements Abus de marché et Prospectus en ce qui concerne la promotion du recours aux marchés de croissance des PME ; ces propositions visent à accroître le nombre d’introductions en Bourse sur les marchés de croissance des PME et à permettre aux émetteurs cotés sur ces marchés d’attirer davantage les investisseurs.
Par exception, certaines dispositions du Règlement (UE) n° 2017/1129 relatives aux cas de dispense à l’obligation d’établir un prospectus s’appliquent depuis le 20 juillet 2017(204).
En outre, des dispositions relatives aux seuils nationaux en dessous desquels une offre au public n’est pas soumise à l’établissement d’un prospectus sont entrées en vigueur le 21 juillet 2018 :
- ■relèvement du seuil de déclenchement de l’obligation d’établir un prospectus en cas d’offre au public à 8 millions d’euros (contre 5 millions d’euros auparavant) sur douze mois(205) ;
- ■création, pour les offres « directes » de titres non cotés non soumises au prospectus, d’un régime d’information ad hoc reposant sur un document d’information simplifié(206). Une instruction de l’AMF précise les modalités (i) de présentation de ces informations sous la forme d’un document d’information synthétique, ou « DIS », dont le modèle est présenté en annexe 2 ; (ii) de transmission de ce document aux investisseurs et son accessibilité sur le site Internet éventuel de l’émetteur ; et (iii) de dépôt de ce document à l’AMF par courriel(207). Les émetteurs doivent déposer ce DIS (et l’ensemble de la communication à caractère promotionnel), préalablement au début de l’offre, sous un format électronique consultable par courrier électronique à l’adresse depotdis@amf-france.org.
Depuis l’entrée en vigueur, le 25 mars 2016, du Règlement délégué (UE) 2016/301 de la Commission du 30 novembre 2015(208), les prospectus et les pièces jointes, ou tous les autres documents établis en dispense de prospectus, doivent être déposés sous format électronique. À cet égard, l’instruction AMF n° 2019-21 relative aux modalités de dépôt et de publication du prospectus et mise à jour le 29 avril 2021 fixe un cadre pour le dépôt électronique des documents d’enregistrement universels et des pièces et mises à jour qui s’y rapportent. Le dépôt du prospectus se fait sur un extranet (« ONDE »).
Notons que l'ESMA a récemment publié un communiqué concernant les informations extra-financières à publier dans le cadre de prospectus(209) sur le fondement de l'article 6, §1 du Règlement prospectus indiquant que ce dernier doit inclure toute information nécessaire et pertinente. Les informations à publier seront ainsi fondées sur la "matérialité financière". Les informations publiées au titre du reporting de durabilité (dans la DPEF ou, dans à compter de l'entrée en vigueur de la CSRD, dans le rapport de durabilité) ne seront ainsi reprises que si elles revêtent un caractère significatif pour un investisseur.
3.1Mission de l’Investor Relations
Au-delà des contraintes réglementaires détaillées dans les chapitres précédents, la politique de communication financière d’une société cotée reflète la volonté des dirigeants de l’entreprise de communiquer régulièrement, en toute transparence, avec professionnalisme et réactivité, avec les différents acteurs des marchés financiers. Pour ce faire, la Direction générale s’appuie le plus souvent sur une équipe interne dédiée : l’Investor Relations, responsable des Relations Investisseurs, va s’adresser au nom de l’entreprise à la communauté financière – principalement analystes financiers (actions, crédit, ISR), gérants de portefeuille, investisseurs institutionnels et individuels, régulateurs – et mettre en place une politique de communication financière ciblée, dans le respect des principes d’égalité et d’homogénéité de traitement de l’information.
Sa mission consiste à créer une relation de confiance avec le marché, en étant une source d’information fiable et pertinente pour faciliter la prise de décision des investisseurs comme du management. Dans un contexte d’exigence accrue, tant sur le plan réglementaire que de la part des marchés, le rôle de l’Investor Relations est central dans la mise en œuvre des objectifs de l’entreprise en matière de communication financière :
- ■faire en sorte, dans ses relations avec l’extérieur, que les acteurs de marché valorisent au mieux l’entreprise dans la durée, en expliquant sa stratégie, son business model, son écosystème et sa performance, tant financière qu’extra-financière, en assurant la cohérence entre ces deux éléments ;
- ■être l’interface centrale entre les acteurs de marché et la société et son management, apportant ainsi une grande valeur ajoutée par la remontée des informations utiles obtenues dans le marché ;
- ■diffuser en interne la culture Investor Relations, particulièrement sur la gestion de l’information privilégiée et l’ensemble du cadre réglementaire particulièrement strict ;
- ■s’assurer de la cohérence de toutes les formes de communication de l’entreprise.
3.2Calendrier et organisation
3.2.1Calendrier et pratiques
Au-delà des dates imposées, le calendrier de la communication financière revêt une importance particulière car c’est autour de lui que s’articule une bonne partie des activités de l’entreprise, qu’il s’agisse de l’agenda de la direction générale (publications et déplacements), du Conseil d’administration (tenue des conseils), des remontées d’information comptable et de contrôle de gestion (analyse des éléments chiffrés), voire de rémunération des vendeurs (fondées sur le chiffre d’affaires de leur zone). Il s’agit donc d’un élément structurant, à planifier soigneusement et plusieurs années à l’avance.
Il a pu être constaté, au cours des dix dernières années, une accélération dans la séquence de publication des résultats annuels et semestriels avec, comme corollaire, une concentration de ces publications sur des périodes de plus en plus restreintes. Cependant, de nombreuses sociétés ne disposent pas encore d’un processus de consolidation qui leur permette de publier aussi rapidement.
La pratique actuelle montre, pour les grandes valeurs de la cote, un volume important de publications annuelles pour un exercice clos le 31 décembre au cours du mois de février :
en 2023, on note ainsi que fin février, 92 % des sociétés du CAC Large 60 ont publié leurs résultats 2022 (vs 88 % leurs résultats 2021 l’année dernière à la même période - source benchmarks Cliff).
En pratique, les sociétés présentant des comptes trimestriels publient le 1er trimestre autour du 30 avril, le 2e autour du 30 juillet et le 3e autour du 30 octobre.
- ■l’agenda du management, des acteurs des marchés financiers ainsi que les dates de publication des autres émetteurs, principalement du même secteur ;
- ■d’autres contraintes de calendrier et horaires (ouverture des marchés éventuellement, jours fériés dans les pays étrangers où l’entreprise est cotée ou bien où elle compte des actionnaires significatifs, etc.) ;
- ■la simultanéité avec d’autres événements organisés par l’entreprise ou bien auxquels elle participe (salons professionnels, conventions, conférences organisées par des brokers, etc.) ;
- ■des considérations de type « logistique », telles que la disponibilité de prestataires ou de salles de réunion.
À noter qu’avec la crise sanitaire, d’importantes évolutions se sont produites, notamment la disparition des réunions physiques durant plusieurs mois. Les publications sont devenues exclusivement virtuelles, s’affranchissant parfois d’une localisation commune de l’équipe de direction. Bien qu'accessibles à tous, il était difficile de mesurer le réel impact de ces réunions ou de (re)créer une relation de confiance.
Les réunions en personne ont repris partiellement en 2022. En parallèle, le webcast s’est généralisé : 83 % des sociétés du CAC 60 l’annonçaient début 2023 à l’occasion de leur publication annuelle dans leur communiqué de presse et/ou sur leur site.
Dans le cas particulier de sociétés disposant de filiales cotées, il est important de veiller à l’articulation des calendriers de communication financière ; chaque cas pouvant être spécifique (en fonction du contrôle de la filiale, de son secteur, de sa capitalisation boursière, du flottant et de son poids dans le résultat global), il paraît impératif soit de publier de manière simultanée, soit que la filiale cotée communique après la société mère. Si cela n’est pas possible, notamment dans le cas de participation minoritaire, il est souhaitable de respecter au minimum une coordination des communications financières.
Au calendrier périodique, il pourra convenir d’ajouter un calendrier spécifique, en particulier dans le cadre d’une opération financière. Ce dernier sera publié de manière à informer des étapes de l’opération : engagements juridiques, autorisation du Conseil, information auprès des Instances Représentatives du Personnel, etc.
Comme mentionné en Partie 2, l’AMF recommande aux émetteurs de publier leur calendrier prévisionnel de communication financière dans leur rapport annuel et sur leur site Internet dans une rubrique clairement identifiée(1). Il est aussi de bonne pratique de publier ce calendrier dans un communiqué de presse.
3.3Marketing financier et ciblage
3.3.1Identification de l’actionnariat
Le rôle de l’Investor Relations ne se limite pas à diffuser, à intervalles réguliers et conformément à la réglementation, une information chiffrée. Il doit également s’efforcer d’identifier, le plus finement possible, son actionnariat puis, par une bonne compréhension du fonctionnement des marchés financiers et sa propre connaissance des différents acteurs, être en mesure d’identifier quels seraient les investisseurs les plus en adéquation avec la stratégie de l’entreprise – toute modification de cette stratégie entraînant, bien entendu, la réorientation du ciblage de ceux-ci. Cette démarche doit s’inscrire dans le cadre d’une stratégie marketing proactive, qui intègre également les sollicitations de la part des investisseurs et qui vise généralement :
- ■à diversifier leur profil chez l’émetteur, qu’il s’agisse du montant de capitaux qu’ils gèrent, de leur stratégie de gestion ou de leur origine géographique ;
- ■à équilibrer la part des actionnaires stables et ceux dont l’horizon d’investissement est à plus court terme afin de contribuer à la liquidité de l’action ;
- ■à accompagner les développements stratégiques (cession ou acquisition de branches, diversifications, montée en puissance d’une activité pouvant influer sur la valorisation de l’entreprise, etc.) pour adapter le profil d’investisseur souhaité ;
- ■à anticiper des modifications d’actionnariat qui pourraient affecter l’évolution de l’entreprise.
Ceci étant, le déploiement d’une véritable stratégie marketing est intrinsèquement lié à la taille de l’émetteur et à l’importance de son flottant ; en interne, ces deux éléments conditionnent souvent les ressources allouées à l’Investor Relations (taille de l’équipe, budget, etc.) ainsi que la disponibilité du management pour rencontrer la communauté financière (fréquence des rencontres, niveau des interlocuteurs, etc.) ; à l’externe, et d’autant plus dans le contexte de MiFID 2, ces facteurs influenceront largement la couverture du titre par les analystes, c’est-à-dire le nombre de bureaux de recherche et sociétés de Bourse suivant la valeur ainsi que la qualité de ce suivi. En effet, certaines valeurs dont la capitalisation est jugée trop faible pour être rentable sont suivies, dans le meilleur des cas, par des analystes généralistes et non des spécialistes du secteur. Dans une entreprise small cap, l’implication des dirigeants est plus importante car les investisseurs souhaitent les rencontrer directement. Enfin, les « petites » valeurs sont moins susceptibles d’attirer l’intérêt d’investisseurs étrangers, qui se limitent souvent à un suivi des grandes valeurs présentes dans les indices phares, à l’exception des entreprises leaders de leur marché ou présentes sur des niches suscitant un intérêt particulier, telles que les nouvelles technologies.
L’identification des actionnaires sera plus ou moins facile selon que les titres sont principalement inscrits au nominatif (c’est-à-dire dont les détenteurs sont connus de l’émetteur) ou au porteur (les détenteurs sont connus de leur établissement bancaire seulement). Dans le premier cas, le registre des titres au nominatif fournit une information détaillée, exhaustive et actualisée. Dans le cadre du « nominatif pur », la totalité du service titres est prise en charge par l’entreprise. Le « nominatif administré » signifie que la gestion du compte-titres de la société est confiée à un intermédiaire financier. Dans le second cas, qui s’avère majoritaire, l’identification de ses actionnaires de façon plus exhaustive n’est pas aisée. L’émetteur dispose néanmoins de plusieurs sources d’information :
- ■marchandes : elles peuvent être basées sur l’étude des TPI (Titres au Porteur Identifiable), commandée par l’émetteur à Euroclear, organisme centralisateur, à une date d’arrêté définie, et qui peut être exhaustive, limitée par des seuils de nombre de titres détenus par les détenteurs finaux ou par les intermédiaires financiers interrogés. Cette étude a été remplacée à partir de 2021 par le nouveau service Investor Insight afin de répondre aux impératifs de la seconde Directive Droit des Actionnaires (SRD2, voir infra). Parmi d’autres sources d’information possibles, des prestataires de services peuvent améliorer la connaissance de l’actionnariat à partir d’informations publiques et/ou d’enquêtes spécifiques conduites auprès d’investisseurs institutionnels (Shareholder identification) ;
- ■réglementaires et statutaires : la loi offre aux sociétés différentes possibilités d’identifier leurs actionnaires, telles que les déclarations de franchissements de seuils légaux et statutaires à la hausse comme à la baisse, en plus de l’inscription des titres sous forme nominative mentionnée plus haut ;
- ■empiriques : il s’agit de tirer parti de toutes les occasions de mieux connaître ses actionnaires – feedback après les roadshows, analyse des pouvoirs collectés à l’Assemblée générale, information reçue en direct des investisseurs à l’occasion d’un rendez-vous individuel, par exemple.
Afin de cerner au plus près la composition et l’évolution de son flottant (la fraction du capital d’une société détenue par le public), la société cotée combinera ces différents outils pour préciser régulièrement les contours et l’évolution de son actionnariat. Toutefois, la multiplication des plateformes de trading qui ne sont pas tenues, légalement, de fournir les mêmes informations que les plateformes réglementées ainsi que le formidable essor du trading algorithmique ou High Frequency Trading ne facilitent pas l’identification des actionnaires. L’information ainsi obtenue n’est jamais exacte mais donne la vision la plus détaillée possible de l’actionnariat à un moment donné.
La fréquence de ces analyses dépendra de la situation de chaque émetteur : par exemple, un flottant large et une forte volatilité du titre militeront pour plusieurs identifications au cours de l’année.
La Directive européenne 2017/828 du 17 mai 2017 sur les droits des actionnaires affirme le droit pour toute société cotée de connaître ses actionnaires. En application de cette Directive, l’article L. 228-2 du Code de commerce tel que modifié par la loi Pacte dispose que toute société est en droit de demander, à tout moment et contre rémunération à sa charge, soit au dépositaire central qui assure la tenue du compte émission de ses titres, soit directement à un ou plusieurs intermédiaires mentionnés à l’article L. 211-3 du Code monétaire et financier, les informations concernant les propriétaires de ses actions et des titres conférant immédiatement ou à terme le droit de vote dans ses propres Assemblées d’actionnaires. Dans les sociétés dont des actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé, cette faculté est de droit, toute clause statutaire contraire étant réputée non écrite.
Un décret du 27 novembre 2019 entré en vigueur le 29 novembre 2019(17) précise les informations à fournir sur les propriétaires de titres : le nom ou la dénomination sociale, la nationalité, l’année de naissance ou l’année de constitution, l’adresse postale et, le cas échéant, électronique, le nombre de titres détenus, les restrictions dont les titres peuvent être frappés, le numéro d’immatriculation pour les personnes morales ou l’identifiant national pour les personnes physiques, la date depuis laquelle les titres sont détenus, le Code indiquant l’activité principale, le caractère professionnel ou non au sens de l’article L. 533-16 du Code monétaire et financier des propriétaires de titres, et, lorsque le titre est une part ou une action d’un OPC, la dénomination et le numéro d’immatriculation du distributeur ayant effectué leur cession auprès du propriétaire(18). Les mêmes informations peuvent être demandées pour les titulaires de titres nominatifs qui ne sont pas connus de la société (titres faisant l’objet d’une inscription au nom d’un intermédiaire chargé de leur gestion).
Les délais de transmission des informations, qui varient selon la catégorie de professionnels chargés de les transmettre, sont également précisés : par exemple, dix jours ouvrables à compter de la réception de la demande pour le teneur de comptes (transmission, selon le cas, à la société ou à son mandataire ou au dépositaire central), cinq jours à compter de la réception des informations pour le dépositaire central (transmission à la société)(19). Le délai accordé aux intermédiaires inscrits pour le compte d’un ou plusieurs actionnaires pour répondre aux demandes relatives à des titres nominatifs est de dix jours ouvrables à compter de la réception de la demande(20).
Aux termes de la loi Pacte, les frais éventuels appliqués au titre des services relatifs à l’identification des propriétaires des titres au porteur doivent être non discriminatoires et proportionnés aux coûts engagés pour fournir ces services. Les prestataires fournissant ces services doivent publier sur leur site Internet les frais associés à chaque type de service(21).
Notons que la loi n° 2021-1308 du 8 octobre 2021 (loi d’adaptation au droit de l’UE dans le domaine de l’économie et des finances - loi DDADUE 2) réforme notamment la procédure d’identification des propriétaires de titres au porteur, et (ii) impose aux sociétés cotées d’informer leurs actionnaires par la chaîne des intermédiaires (informations permettant aux actionnaires d’exercer leurs droits et confirmation des votes en AG). Le décret n° 2022-888 du 14 juin 2022 (relatif à l’identification des actionnaires, la transmission d’informations et la facilitation de l’exercice des droits des actionnaires) détermine les modalités d’identification des actionnaires, de transmission d’informations entre les sociétés et leurs actionnaires et de facilitation de l’exercice des droits des actionnaires, ainsi que le contenu des informations transmises et les délais applicables aux procédures précitées. Nous pouvons renvoyer à ce titre à la table de concordance préparée par l’Association nationale des sociétés par actions qui récapitule ces éléments (ANSA, note n° 22-BR10).
3.4Mise en œuvre de la communication financière
3.4.1Implication des dirigeants et des administrateurs
3.4.1.1Préparation
Si l’information financière réglementée, périodique ou permanente, constitue le matériau de base à partir duquel les investisseurs se forgent une opinion sur un émetteur, d’autres critères contribuent également, et dans des proportions souvent importantes, à leur prise de décision. Le premier critère étant la confiance dans le management, les dirigeants et administrateurs sont donc de plus en plus amenés à s’impliquer dans la communication financière et à rencontrer les investisseurs, ce qui peut s’avérer contraignant pour les sociétés de petite et moyenne taille. L’AMF relevait en 2019 qu’une majorité de sociétés du SBF 120 avaient désigné un interlocuteur entre les actionnaires et le Conseil d’administration (principalement l’administrateur référent lorsqu’il a été désigné ou le président du Conseil d’administration)(30). Toutefois, certaines sociétés continuent à confier exclusivement cette mission à leur PDG ou à leur directeur général, assisté des équipes opérationnelles(31).
C’est ainsi à l’Investor Relations de gérer ces demandes d’entretien et d’évaluer leur pertinence au regard de l’agenda des dirigeants. Pour ce faire, plusieurs critères doivent être pris en considération, tels que l’intérêt de l’investisseur pour la société, la taille et le style de gestion de l’institution à laquelle il est rattaché ainsi que l’historique de la relation.
- ■à rendre compte de la réalisation de leur stratégie, à s’assurer qu’elle a été bien comprise et à préciser les points clés de leurs résultats ;
- ■à partager avec les investisseurs leur perception de l’environnement macro-économique et concurrentiel ;
- ■à évoquer, plus généralement, des questions d’actualité et à répondre aux sujets de préoccupation des différents acteurs des marchés financiers.
Il est donc essentiel qu’ils y soient bien préparés, qu’ils déterminent avec l’Investor Relations les messages clés qu’ils souhaitent transmettre à la communauté financière (tout comme aux journalistes) et qu’ils prévoient des réponses à tous les sujets, y compris les plus délicats (Q&A), tout en veillant à respecter scrupuleusement l’égalité de traitement de l’information, conformément à la réglementation. Explications et réponses doivent prendre en compte les informations précédemment communiquées et anticiper, dans la mesure du possible, leurs conséquences futures.
Dans un souci de cohérence et de crédibilité, il est important que l’Investor Relations assiste aux entretiens entre les dirigeants et les membres de la communauté financière, car il connaît tout à la fois la personnalité de ces interlocuteurs et le fonctionnement des marchés financiers. À terme, il pourra gérer plus efficacement le suivi de la relation.
Notons également que l'AMF souligne l'existence au sein de certaines sociétés d'administrateurs référents climat ou d'administrateurs spéciflisés sur ces questions qui pourraient dès lors intervenir dans le processus de mise en oeuvre de la communication financière.
3.4.1.2Corporate access
Pour la plupart des investisseurs, le fait de rencontrer les dirigeants de l’entreprise constitue une étape obligatoire avant tout processus de décision. Les brokers leur proposent d’organiser le corporate access afin de leur procurer un accès aux dirigeants, dans le cadre de réunions individuelles (one-on-one), de roadshows ou de conférences thématiques ou généralistes. Cette démarche permet aux brokers de se positionner vis-à-vis des investisseurs et de voir se matérialiser en principe pour eux un flux d’ordres en Bourse ou des votes favorables afin de rémunérer cette activité.
Cependant, l’entrée en vigueur début 2018 de la Directive MIFID 2, qui instaure une claire séparation entre la recherche et l’exécution des transactions, a modifié le comportement des brokers et des investisseurs. En effet, le prix de la recherche – et ce qui peut lui être rattaché comme l’organisation de conférences, de roadshows... – devant être détaillé et isolé des transactions, les brokers sont devenus plus sélectifs dans leurs recherches. Cela conduit ceux-ci, selon leur politique commerciale, à répercuter leur coût, voire à réduire le suivi de certaines petites capitalisations. En termes de corporate access, de nombreux émetteurs constatent des difficultés pour organiser des roadshows sur certaines destinations géographiques et des feedbacks obtenus moins pertinents. Certains investisseurs choisissent quant à eux de moins faire appel aux brokers en se dotant eux-mêmes d’équipes corporate access et en contactant directement les émetteurs qui, de leur côté, confirment être davantage sollicités en direct par les investisseurs. Les investisseurs en sont même au stade où ils se groupent (BlackRock, Fidelity, etc.) pour organiser des conférences pour lesquelles ils sollicitent les CEO afin de parler exclusivement de stratégie. La première de ces conférences est prévue fin novembre 2023 à Londres.
L’AMF a publié le 27 janvier 2020 le résultat de sa recherche(32) sur les premiers impacts visibles de MiFID 2 sur la recherche et le corporate access. Le rapport conclut notamment à un appauvrissement majeur de la couverture en recherche sell-side sur le segment des valeurs moyennes et petites et à la possibilité croissante que les fonds décident de contacter les corporate directement, sans passer par les brokers, ce qui viendrait encore diminuer la visibilité des valeurs moyennes et petites.
3.5Remontée de la perception du marché dans l’entreprise
3.5.1Appréciation du sentiment de marché
Le sentiment du marché correspond au regard porté par les investisseurs et analystes sur la stratégie, les activités, la performance et les perspectives de l’entreprise ainsi que sur la crédibilité du management.
L’Investor Relations a un rôle clé à jouer dans la remontée de cette perception auprès de ses dirigeants. En particulier, il sait reconnaître lorsque les opinions individuelles des analystes ou investisseurs deviennent une impression générale partagée, au travers de contacts divers (téléphone, roadshow, emails, publication de notes sectorielles) dont il convient d’informer la Direction générale, voire le Conseil d’administration ou de surveillance.
Lexique du document
Agence de notation
Organisation indépendante dont le métier est d’apprécier la qualité de la situation financière d’un émetteur et notamment son risque de solvabilité. La notation, qui est établie selon un barème propre à chaque agence, peut avoir un impact direct sur les conditions de financement de l’émetteur sur les marchés de la dette. Les principales agences de notation telles que Fitch Ratings, Moody’s et Standard & Poor’s sont internationales. Certaines agences se sont spécialisées dans la notation sociétale et environnementale des émetteurs.
Le Parlement européen a adopté le 16 janvier 2013 une Directive modifiant le Règlement de 2009 visant à encadrer et à surveiller les agences de notation, notamment en réduisant la dépendance des régulateurs et des investisseurs à l’égard de la notation, en luttant plus efficacement contre les conflits d’intérêts, en stimulant la concurrence entre les agences et en instaurant de nouvelles règles spécifiques à la notation des dettes souveraines.